École des filles

L'on aspire communément au centre comme on aspire au sommet ? en économie, en politique, en art. Miroir aux alouettes : nul n'y est. Et si la périphérie, loin d'être simple retraite, était en réalité le seul endroit où bonheur, sagesse, humour, révolte et grandeur puissent tout à fait avoir lieu ?

Corbière (1845-1875) et Guillevic (1907-1997) nous apprennent à méditer, rire, jouir et créer dans la marge. Ils nous disent la grandeur du désaxé. Depuis leurs pourtours, ils touchent aux plus grands enjeux esthétiques. Ils aiment la Bretagne (respectivement Carnac et le Pays de Léon) comme allégorie de la marge vivante, ils aiment les humbles comme alternative à la logique du pouvoir, pour décentrer le monde, pour sourire avec les pierres, les gens, les paysages du « pays d'ici ».

Car tout est là : le pays terraqué (terre et eau), le murmure moderne des légendes, le pincement vivifiant du quotidien. Corbière l'excentrique et Guillevic le sage sont deux « voyageur[s] au pays du vrai » (Guillevic sur Corbière). Ils inventent une langue décalée qui parle à tous, en tout lieu. Ces deux anti-rastignacs ont d'ailleurs fini par toucher l'histoire littéraire au coeur.